Sénégal : Le vieux lièvre, les 5 singes et la police sauvage
Comme vous la savez déjà, les 5 sages (singes?) du Conseil Constitutionnel ont finalement validé la candidature d’Abdoulaye Wade en vue des prochaines élections présidentielles. Aujourd’hui âgé de ‘’85 ans hors TVA‘’, celui que le premier président sénégalais, Léopold Sédar Senghor, surnommait Laye Ndiombor – en français, Laye le lièvre – va briguer un 3èm mandat en violation flagrante de la constitution du Sénégal qui limite le nombre de mandats à 2. Il veut diriger, une nouvelle fois, une population dont l’âge moyen ne dépasse point 35 ans. Et c’est cette même population qui investit les rues depuis la semaine dernière pour manifester contre cette candidature juridiquement illégale, moralement inacceptable et physiologiquement risquée. Les policiers quant à eux, au lieu de rester dans leur rôle de maintien de l’ordre dans le pays y sèment un parfait désordre en se jetant sur les foules, telles des bêtes sauvages, tirant sans retenue sur tout ce qui bouge (même les ambulances). Bilan : 4 morts dont un étudiant cruellement écrasé par un camion de la police, des milliers de blessés, d’importants dégâts matériels et surtout une image du Sénégal sérieusement écornée. Le plus écœurant est d’entendre le président Wade, d’une outrecuidance extraordinaire, dire que tout ceci n’est qu’une brise qui ne deviendra jamais un ouragan. Voilà ce qui se passe dans le pays de l’homme qui se targue d’être le président africain le plus diplômé du Caire au Cap.
Pendant ce temps, l’Union Européenne, l’ambassade des Etats-Unis et le gouvernement japonais appellent au respect du verdict du conseil constitutionnel, même si leur position a varié depuis hier. Mais comment respecter les décisions de juges qui sont à la solde de Wade au lieu d’être au service du droit ?
Au Sénégal il existe 11 professeurs agrégés de droit constitutionnel. 11 éminents constitutionnalistes qui rivalisent de compétence partout dans le monde et dont certains ont participé à la rédaction de la charte fondamentale du pays. 9 d’entre eux sont formels : Wade n’a pas le droit de se représenter en 2012. Les deux autres -qui occupent des fonctions dans le gouvernement – refusent de piper mot sur la question. Comment se fait-il alors que les cinq s… puissent ramer à contre courant de la science universitaire ? De deux choses l’une : soit ils sont tous des nullards en la matière, ce qui est parfaitement envisageable car aucun d’eux n’a jamais écrit 2 paragraphes en droit constitutionnel. – D’ailleurs j’ai du mal à comprendre pourquoi aucun spécialiste de cette branche du droit ne siège dans le conseil.- Soit ils ont sciemment éludé la vérité juridique pour décider ce que le chef veut. Ce qui est très probable car quelques jours avant, Wade les a corrompus avec des augmentations de salaire 5 millions de francs Cfa et des véhicules de luxe. ‘’Wade est un corrupteur’’ disait Malick Noel Seck. Wade est surtout un bon provocateur, un fin manipulateur et un spécialiste du discours tortueux.
En 2007, face à la presse, il déclare : « J’ai bloqué le nombre de mandats à 2. Donc ce n’est pas possible, je ne peux pas me représenter. Je vous le dis sérieusement je ne me représenterai pas.» Quatre années plus tard il nie avoir tenu de tels propos avant d’y revenir avec son catastrophique « Ma waxone waxeet».
Je suis d’avis avec le mondoblogueur Ameth Dia quand, dans son article ‘’Aux armes citoyens’’, il dit : « S’il y a une arme assez efficace contre les politiciens sénégalais c’est bien la carte d’électeur ». J’ai toujours soutenu que Wade a eu 10 ans pour s’amuser avec nous à la tête de l’Etat et que nous autres avons un seul jour pour s’amuser avec lui dans les urnes, le 26 février 2012. Seulement je suis pessimiste quant à la transparence du prochain scrutin.
C’est vrai, Wade a crée un ministère chargé des élections en y mettant une personnalité indépendante. Ses griots le crient sur tous les toits. Mais ce qu’ils ne disent pas, c’est que l’institution n’a pas la main sur deux structures ô combien stratégiques dans le processus électoral : la Direction de l’Automatisation du fichier et la Direction de l’Administration Territoriale qui sont restées au ministère de l’intérieur dirigé par l’un des plus scinque courtisan du président. De plus, il n’arrête pas de dire à qui veut l’entendre qu’il va remporter les élections dès le premier tour. Pour manipuler l’opinion il commandite des sondages qui le créditent entre 50% et 53% des intentions de vote. C’est dire que les dés sont déjà pipés. Wade s’est décidé à forcer le triangle dans le carré malgré le ‘’Faux, pas forcer’’ de Y’en a Marre. Il va «organiser les élections qu’il vole et remporte haut la main » comme le prédit David Kpelly. «En Afrique, on n’organise pas des élections pour les perdre.» disait Omar Bongo.
Malgré tout, je suis de ceux qui pensent qu’il ne faut pas substituer le dialogue à la violence. Il ne faut pas que le Sénégal se familiarise avec les armes. Le pays a perdu son image de vitrine de la démocratie en Afrique mais il nous reste la paix à sauvegarder. Je préfère être dirigé par un vieux savant fou que de vivre une situation insurrectionnelle.
Des voix commencent à s’élever au sein de la communauté internationale pour demander le départ de Wade du pouvoir. C’est peut être la seule issue qui peut éviter au Sénégal de sombrer dans la violence. Reste à prier pour que l’appel ne tombe pas dans les longues oreilles d’un vieux lièvre sourd.
Arouna BA
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